Michel Morin journaliste indépendant
Trop-perçus
allocution du 18 avril 2017
centre
saint-pierre, 1212 rue Panet, Montréal
Cette
allocution rédigée à l’invitation de weroes
est disponible sur notre blogue d’Hydro-Québec à l’adresse suivante :
================================
Bonsoir tout le monde,
Introduction.
Alors si je comprends bien vous faites partie des 4,000,000
d’abonnés qu’Hydro-Québec a surfacturé, je dis bien surfacturé, pendant 7 ans.
Le monopole était gourmand, très gourmand, c’est le moins
qu’on puisse dire.
Les augmentations de tarifs de la régie ça ne suffisait pas
pour Hydro-Québec; il en fallait plus pour augmenter le rendement de
l’entreprise, pour toucher plus de revenus nets, pour toucher plus de profits.
Les abonnés d’Hydro-Québec ont été les victimes, de cette
course aux profits qui s’ajoutait aux augmentations des tarifs d’électricité
décrétées chaque année par la Régie de l’énergie, et cela pas pendant un an ou
deux ans, pendant 7 ans, de 2008 à 2014 inclusivement.
Contexte
Au moment où je reviens comme
journaliste en 2013 après une absence de 10 ans, personne n’avait parlé de cela
ni dans les journaux, ni à la radio, ni à la télévision.
Pourtant aujourd’hui on parle d’un détournement, d’un montant
surfacturé de 1,4G$.
On fait les manchettes avec des montants 30,000$ et des
40,000$ mais du 1,400 millions surfacturé, personne n’en parlait.
Heureusement le sujet revient aujourd’hui à la surface, le
système résiste, il a des alliés.
Alain Dubuc
Par exemple il y a ce chroniqueur économique de la presse
depuis 30 ans, Alain Dubuc qui a écrit il y a à peine quelques jours que tout
ceci était « insignifiant », ce sont ses propres mots.
Oui mais c’est juste a-t-il dit 1,4G$ sur des revenus de plus
de 100G$ sur les 7 ans dont on parle.
Et ce chroniqueur la écrit dans les pages économiques de la
presse depuis 30 ans!
Disons d’abord que quelqu’un qui confond dans une chronique
les profits avec les revenus, c’est déjà quelque chose.
L’importance des Trop-Perçus.
Mais 1,4G$ c’est quoi? et bien c’est la moitié des profits
d’Hydro-Québec pour une année financière.
Voilà l’ordre de grandeur des profits non-autorisés qu’Hydro-Québec
vous a facturé.
Si Hydro-Québec vous remettait aujourd’hui pour demain, à
vous le 1,4G$ sous forme d’un rabais de tarifs, eh bien on reviendrait aux
tarifs d’électricité de 2007, on annulerait les augmentations de tarifs
d’électricité d’Hydro-Québec depuis dix ans.
Et le journaliste du groupe Power a dit que c’était
insignifiant? Je vous laisse le soin d’en juger.
Pourquoi au Québec.
Maintenant qu’on voit l’importance du montant en cause, la
question se pose, comment une telle chose a pu se produire au Québec ?
N’avait-on pas mis sur pied une régie, qui était supposée
déterminer les augmentations de tarifs en fonction des coûts et d’un juste
rendement ? N’avait-on pas créé une régie pour éviter les abus? En fait avait-on créé une régie pour qu’elle
ferme les yeux sur des rendements supérieurs à ceux qu’elle avait autorisés?
D’entrée de jeu je vous dirai que ce qui s’est passé au Québec
n’aurait jamais pu se passer ailleurs dans les autres provinces canadiennes ou
dans les autres états américains.
Parce qu’ailleurs quand il y a des surplus, quand il y a des
trop perçus ils sont automatiquement redistribués aux consommateurs sous forme
de rabais de tarifs.
Comment se fait-il que cela n’ait pas été dénoncé, par Alain
Dubuc, ou par les professeurs
d’université qui écrivent de savants articles sur l’électricité, sur l’énergie,
sur le marché du carbone, comment est-ce possible?
Pas un mot et cela a duré 7 ans.
Comment se fait-il que les Commissaires ou les Régisseurs de l’énergie, nommés par le gouvernement,
n’ont rien vu pendant autant d’années?
Comment se fait-il?
Retour de Morin au journalisme.
Après une absence de 10 ans, en avril 2013 je reviens au
journalisme.
Un mois plus tard en mai 2013 il y a déjà un article dans le
Journal de Montréal. Les trop-perçus sont alors de l’ordre de 1,2G$.
Et personne dans les médias de 2008 à 2013 n’avait vu ça?
IL faut dire que ce n’est pas une nouvelle d’une source
policière; la police n’enquête pas beaucoup sur Hydro-Québec!
Un peu de mécanique.
Chaque année comme vous le savez, aux environs de décembre,
notre monopole national, se présente devant la Régie de l’énergie, une instance
soit disant indépendante, qui loge dans l’une des grandes tours du
centre-ville.
Hydro-Québec est là avec une brochette d’experts, de tableaux
d’études, avec des avocats du secteur privé, alors qu’HQ a à sa disposition une
quarantaine d’avocats maison.
Donc on met la table pendant 2 ou trois semaines, le plus
sérieusement du monde, on discute, on argumente.
Pour convaincre bien évidemment les commissaires qui vont
décider, de l’augmentation de vos tarifs en toute objectivité et sans parti
pris pour le monopole d’état.
Hydro-Québec doit mettre sur la table ses prévisions
d’investissements et ses prévisions de revenus.
Alors figurez- vous que, et c’est là toute la beauté de
l’affaire, pour ne pas parler de masquarade, pendant 7 ans Hydro-Québec, va
toujours se tromper dans ses prévisions, toujours du même bord, et toujours à
son avantage.
Et toujours devant nos commissaires nommés par le
gouvernement.
Pourquoi?
Il y a une coincidence qu’on ne peut passer ici sous silence,
c’est qu’en 2007-2008, il y a une crise financière, la plus importante depuis
la grande récession des années 30.
Les marchés financiers, et avec eux les marchés d’électricité
s’écrasent. Au lieu de vendre 7,8 9 cents le kWh, Hydro-Québec ne vend plus que
3 ou 4 cents le kWh.
Les prix sont coupés de moitié, il faut trouver de l’argent
pour le gouvernement du Québec, et pour Hydro-Québec qui veut bien paraître aux
yeux du ministre.
Coincidence ou pas, avec la chute des prix d’électricité sur
les marchés d’exportation, c’est là qu’Hydro-Québec va commencer à se tromper
comme jamais elle ne l’avait fait dans le passé.
Donc systématiquement Hydro-Québec se présente devant la
régie de l’énergie en surestimant ses investissements.
D’un côté ils promettent d’investir et puis du côté des
revenus, ils sous-estiment devant la régie de l’énergie les revenus qu’ils
escomptent.
Résultat, à la fin de l’année, ils avaient oh surprise, moins
investi que prévu et comme par hasard, ils ont enregistré plus de revenus nets,
plus de profits, plus de rendement et tout cela au vu et au su de la régie de
l’énergie.
Ce n’est pas de la fiction financière, c’est comme ça que ça
s’est passé.
Et la régie qui devait protéger les consommateurs ne voulait
rien voir jusqu'à ce qu’un journaliste, en mai 2013, soulève la question.
Et ce scénario devant les régisseurs de la Régie, devant les
commissaires, Hydro-Québec sous la direction de Thierry Vandal (Le grand commis
de l’état qui a quitté HQ avec une pension équivalente à son salaire) l’a
répété année après année.
Des trop-perçus à répétition.
Les trop-perçus dont je vous parle représentaient 71M$ la
première année en 2008.
En 2009 tout s’est passé, comme si on s’était dit, on les a
eus une première fois, on pourrait les avoir, une 2ième fois.
C'est-à-dire qu’on va encore surestimer les investissements
et sous-estimer les revenus.
193m$ millions la 2ième année au lieu de 71m$ comme la
première année!
Pour Alain Dubuc et les professeurs d’université qui n’ont
jamais rien vu; 193M$ c’est l’équivalent d’une hausse de 2% de vos tarifs
d’électricité.
Viens la 3ième année. Devant l’aveuglement des
commissaires, Hydro-Québec surestime encore plus ses investissements et sous-estime
encore plus ses revenus.
Résultat c’est plus 71M$ la première année, c’est plus 193M$
la deuxième année, c’est 257M$ la troisième année.
Ils ont fait ça pendant 7 ans, engranger plus de revenus,
plus de rendement, que ceux autorisés « officiellement » par la Régie de
l’énergie du Québec.
La Régie se rend à l’évidence.
Les commissaires vont finalement découvrir qu’ils se sont fait
rouler dans la farine, on va finalement convoquer des audiences, pour faire ce
que partout en Amérique du nord on fait depuis des décennies; c'est-à-dire
partager, sous forme de rabais de tarifs, les trop-perçus qui résultent des
erreurs de prévisions du monopole.
Le petit jeu a quand même duré jusqu’en 2014.
Pendant 7 ans, Hydro-Québec qui devait réaliser des
rendements de 6 À 8%, va 5 années sur 7
réaliser avec la bénédiction de la Régie de l’énergie et des commissaires
nommés par le gouvernement, des rendements de plus 10% et même de 13%.
De quoi faire rougir les entreprises inscrites à la bourse de
New York ou de Nasdaq.
Records de débranchements
Et tout ça va se produire, au moment où l’on assiste au Québec
à des records de débranchements des abonnés qui ne peuvent plus payer leur
facture.
Et a des records d’ententes de paiement, 300,000, avec les
gens n’arrivent plus a joindre les deux bouts plus avec ces augmentations à répétition,
et des logements, comme c’est le cas ici comme c’est le cas ici dans ce quartier,
ou bon nombre de logements sont mal isolés.
300,000 familles au Québec qui n’arrivent plus à payer leur électricité
ce n’est pas rien. Avec 2,2 personnes par famille en moyenne c’est l’équivalent
de la région de Québec qui a de la misère à payer ses comptes d’électricité.
Et au même moment Hydro-Québec surnage dans les profits et
les trop-perçus, avec des taux de rendement supérieurs à ceux de la Caisse de
dépôt.
En guerre contre les journalistes.
Hydro-Québec va publier des communiqués incendiaires pour me
dénoncer, et sans doute intimider les autres journalistes. Ils sont d’ailleurs,
encore sur le site d’Hydro-Québec.
Alors voici ce qu’HQ écrivait sous la plume de son
porte-parole Patrice Lavoie en 2015.
« Hydro-Québec
réagit a un reportage de tva : les écarts de rendement de l’entreprise
bénéficient aux Québécois ».
Et leurs communiqués pouvait être repris par les journaux et par
les postes de radio à travers tout le Québec.
« Hydro-Québec
se voit une fois de plus dans l’obligation de rectifier des informations véhiculées
par un reportage de Michel Morin, diffusé hier au réseau tva et faisant l’objet
d’un article dans le journal de Montréal. »
Ça faisait trois ans que j’étais le seul au Québec à leur
taper dessus.
Mais vous voyez le ton et l’agressivité du monopole d’état.
« Comme
Hydro-Québec l’a répété à maintes reprises à ce journaliste au cours des
dernières années, les écarts de rendement constatés par Hydro-Québec à la fin
d’une année ne découlent pas d’erreurs de prévision ce ne sont pas des
trop-perçus. Au contraire les écarts de rendement sont principalement
attribuables à l’excellente performance d’Hydro-Québec. »
Et c’est la Régie après moi, qui malgré tout va constater sur
le tard qu’il s’agit bel et bien « d’erreurs
de prévisions ».
Et quelles erreurs, et pendant une aussi longue période!!!
Avec un peu de recul on voit maintenant à quelle manœuvre
d’enfumage s’est livré le monopole d’état pendant toutes ses années.
Remarquez que ce n’est pas différent actuellement, avec la
caisse de dépôt et son train électrique ou les usagers des transports en commun
vont payer très cher pour le train électrique, mais ça sera pour une autre
fois!
Donc finalement à force de revenir sur le sujet la régie va
mettre en place un mécanisme de partage.
Mais ça ne fait pas l’affaire du gouvernement Couillard qui a
besoin d’argent, qui a besoin des trop perçus. Hydro-Québec est devenu une
antenne du ministère du revenu.
Le gouvernement va donc passer une loi, le projet de loi 28,
pour faire main basse sur des trop–perçus
de 160M$ de 2014
Vous voyez comment vous êtes bien protégés par la Régie de
l’énergie et par le gouvernement du Québec, contre les abus et les taux de
rendements excessifs.
Donc en conclusion.
Dernier point.
Enfin une situation comme ça, où l’on a surfacturé les
clients, au-dessus des augmentations de tarifs autorisées pour obtenir plus de
rendement, jamais ça n’aurait pu se produire ailleurs en Amérique du nord.
Tout simplement parce qu’ailleurs en Amérique du nord,
lorsqu’il existe des trop perçus, lorsque les entreprises d’électricité ou de
gaz, se trompent en leur faveur et finissent l’année avec des trop-perçus, ils
sont redistribués aux consommateurs sous forme de baisses de tarifs aux abonnés
aux cours des années subséquentes.
C’est pour ça qu’on a créé des régies de l’énergie, pour
éviter les abus. C’est donc une véritable honte et un cas unique ce qui s’est
passé au Québec avec Hydro-Québec.
Voici ce qu’a écrit M. Pierre Théroux l’ancien avocat en chef
de la Régie de l’énergie, en réponse à l’article complice d’HQ d’Alain Dubuc,
chroniqueur à la presse :
Ce qu’a fait Hydro-Québec écrit-il : «… constitue
une confiscation fiscale déguisée, éhontée, irrégulière et simplement
malhonnête, contraire aux règles des contrats civils et commerciaux et par
surcroît, des dispositions du régime réglementaire. »
Et même au Québec avec Gaz métro et la Gazière dans l’Outaouais,
lorsqu’ils se trompent en leur faveur comme l’a fait Hydro-Québec pendant sept
ans, eh bien ils ne peuvent pas toucher des rendements supérieurs parce qu’ils
se sont trompés. À quoi servirait la Régie de l’énergie si on pouvait tromper
tout le monde en générant des bénéfices supplémentaires?
Je n’irai pas dans les détails, mais même après le plan de
partage mis sur pied par la Régie de l’énergie, Hydro-Québec pourra encore en
garder une partie!
Pour conclure je dirais que je suis très heureux que la
nouvelle ait refait surface il y a deux semaines et qu’elle ait fait cette fois
boule de neige.
À Montréal on paie déjà plus cher qu’ailleurs pour chauffer.
Enfin a Montréal les Québécois paient plus cher pour chauffer
leurs appartements et leurs maisons que dans toutes les grandes villes en Amérique
du nord.
C’est qu’il en coute plus cher pour se chauffer à
l’électricité à Montréal qu’avec le gaz,
même si à Montréal le gaz est deux fois plus cher au m3 qu’à Toronto ou
Ottawa par exemple.
Hydro-Québec a des bas tarifs, mais en Amérique du nord on se
chauffe au gaz et le gaz c’est plus avantageux que l’électricité pour se chauffer.
Personne ailleurs en Amérique du nord, dans les grandes villes, n’est assez fou
pour se chauffer à l’électricité; c’est trop cher.
L’électricité d’Hydro-Québec sur les marchés d’exportation,
c’est pour les ordinateurs et les ampoules électriques, pas pour le chauffage.
Des trop-perçus qui s’ajoutent à une facture salée de chauffage.
Environ 70% de votre facture d’électricité c’est du
chauffage, qu’Hydro-Québec ait profité de la situation pour générer des
trop-perçus, sur un chauffage qui est un bien essentiel, et qui nous coute déjà
plus cher qu’ailleurs, démontre simplement qu’Hydro-Québec est devenu une
antenne du Ministère du revenu mais a failli à sa mission première, qui est
celle de nous fournir de l’électricité au meilleur coût.
Jamais pour Adélard Godbout lors de la première nationalisation
de l’électricité dans les années quarante, jamais pour René Lévesque lors de la
2ième nationalisation de l’électricité dans les années soixante, il
n’avait été question de faire d’Hydro-Québec, une succursale du Ministère du
revenu du Québec.
Les trop-percus ne sont que l’illustration de l’état prédateur
que rien ne fait reculer, même les trop perçus surfacturés aux quatre millions
d’abonnés d’Hydro-Québec.
30
Aucun commentaire:
Publier un commentaire