mercredi 19 avril 2017

AVEC DES TROP-PERÇUS DE 1,4G$ HYDRO-QUÉBEC EST DEVENU ENCORE PLUS UNE SUCCURSALE DU MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC

Michel Morin journaliste indépendant
Trop-perçus allocution du 18 avril 2017
centre saint-pierre, 1212 rue Panet, Montréal

Cette allocution rédigée à l’invitation de weroes est disponible sur notre blogue d’Hydro-Québec à l’adresse suivante :

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Bonsoir tout le monde,

Introduction.

Alors si je comprends bien vous faites partie des 4,000,000 d’abonnés qu’Hydro-Québec a surfacturé, je dis bien surfacturé, pendant 7 ans.

Le monopole était gourmand, très gourmand, c’est le moins qu’on puisse dire.

Les augmentations de tarifs de la régie ça ne suffisait pas pour Hydro-Québec; il en fallait plus pour augmenter le rendement de l’entreprise, pour toucher plus de revenus nets, pour toucher plus de profits.

Les abonnés d’Hydro-Québec ont été les victimes, de cette course aux profits qui s’ajoutait aux augmentations des tarifs d’électricité décrétées chaque année par la Régie de l’énergie, et cela pas pendant un an ou deux ans, pendant 7 ans, de 2008 à 2014 inclusivement.



Contexte

Au moment je reviens comme journaliste en 2013 après une absence de 10 ans, personne n’avait parlé de cela ni dans les journaux, ni à la radio, ni à la télévision.

Pourtant aujourd’hui on parle d’un détournement, d’un montant surfacturé de 1,4G$.

On fait les manchettes avec des montants 30,000$ et des 40,000$ mais du 1,400 millions surfacturé, personne n’en parlait.

Heureusement le sujet revient aujourd’hui à la surface, le système résiste, il a des alliés.  

Alain Dubuc

Par exemple il y a ce chroniqueur économique de la presse depuis 30 ans, Alain Dubuc qui a écrit il y a à peine quelques jours que tout ceci était « insignifiant », ce sont ses propres mots.

Oui mais c’est juste a-t-il dit 1,4G$ sur des revenus de plus de 100G$ sur les 7 ans dont on parle.

Et ce chroniqueur la écrit dans les pages économiques de la presse depuis 30 ans!

Disons d’abord que quelqu’un qui confond dans une chronique les profits avec les revenus, c’est déjà quelque chose.

L’importance des Trop-Perçus.

Mais 1,4G$ c’est quoi? et bien c’est la moitié des profits d’Hydro-Québec pour une année financière.
Voilà l’ordre de grandeur des profits non-autorisés qu’Hydro-Québec vous a facturé.

Si Hydro-Québec vous remettait aujourd’hui pour demain, à vous le 1,4G$ sous forme d’un rabais de tarifs, eh bien on reviendrait aux tarifs d’électricité de 2007, on annulerait les augmentations de tarifs d’électricité d’Hydro-Québec depuis dix ans.

Et le journaliste du groupe Power a dit que c’était insignifiant? Je vous laisse le soin d’en juger.

Pourquoi au Québec.

Maintenant qu’on voit l’importance du montant en cause, la question se pose, comment une telle chose a pu se produire au Québec ?

N’avait-on pas mis sur pied une régie, qui était supposée déterminer les augmentations de tarifs en fonction des coûts et d’un juste rendement ? N’avait-on pas créé une régie pour éviter les abus?  En fait avait-on créé une régie pour qu’elle ferme les yeux sur des rendements supérieurs à ceux qu’elle avait autorisés?

D’entrée de jeu je vous dirai que ce qui s’est passé au Québec n’aurait jamais pu se passer ailleurs dans les autres provinces canadiennes ou dans les autres états américains.

Parce qu’ailleurs quand il y a des surplus, quand il y a des trop perçus ils sont automatiquement redistribués aux consommateurs sous forme de rabais de tarifs.

Comment se fait-il que cela n’ait pas été dénoncé, par Alain Dubuc, ou  par les professeurs d’université qui écrivent de savants articles sur l’électricité, sur l’énergie, sur le marché du carbone, comment est-ce possible?

Pas un mot et cela a duré 7 ans.

Comment se fait-il que les Commissaires ou les Régisseurs  de l’énergie, nommés par le gouvernement, n’ont rien vu pendant autant d’années?

Comment se fait-il?

Retour de Morin au journalisme.

Après une absence de 10 ans, en avril 2013 je reviens au journalisme.

Un mois plus tard en mai 2013 il y a déjà un article dans le Journal de Montréal. Les trop-perçus sont alors de l’ordre de 1,2G$.

Et personne dans les médias de 2008 à 2013 n’avait vu ça?

IL faut dire que ce n’est pas une nouvelle d’une source policière; la police n’enquête pas beaucoup sur Hydro-Québec!

Un peu de mécanique.

Chaque année comme vous le savez, aux environs de décembre, notre monopole national, se présente devant la Régie de l’énergie, une instance soit disant indépendante, qui loge dans l’une des grandes tours du centre-ville.

Hydro-Québec est là avec une brochette d’experts, de tableaux d’études, avec des avocats du secteur privé, alors qu’HQ a à sa disposition une quarantaine d’avocats maison.

Donc on met la table pendant 2 ou trois semaines, le plus sérieusement du monde, on discute, on argumente.

Pour convaincre bien évidemment les commissaires qui vont décider, de l’augmentation de vos tarifs en toute objectivité et sans parti pris pour le monopole d’état.

Hydro-Québec doit mettre sur la table ses prévisions d’investissements et ses prévisions de revenus.

Alors figurez- vous que, et c’est là toute la beauté de l’affaire, pour ne pas parler de masquarade, pendant 7 ans Hydro-Québec, va toujours se tromper dans ses prévisions, toujours du même bord, et toujours à son avantage.

Et toujours devant nos commissaires nommés par le gouvernement.

Pourquoi?

Il y a une coincidence qu’on ne peut passer ici sous silence, c’est qu’en 2007-2008, il y a une crise financière, la plus importante depuis la grande récession des années 30.

Les marchés financiers, et avec eux les marchés d’électricité s’écrasent. Au lieu de vendre 7,8 9 cents le kWh, Hydro-Québec ne vend plus que 3 ou 4 cents le kWh.

Les prix sont coupés de moitié, il faut trouver de l’argent pour le gouvernement du Québec, et pour Hydro-Québec qui veut bien paraître aux yeux du ministre.

Coincidence ou pas, avec la chute des prix d’électricité sur les marchés d’exportation, c’est là qu’Hydro-Québec va commencer à se tromper comme jamais elle ne l’avait fait dans le passé.


Donc systématiquement Hydro-Québec se présente devant la régie de l’énergie en surestimant ses investissements.

D’un côté ils promettent d’investir et puis du côté des revenus, ils sous-estiment devant la régie de l’énergie les revenus qu’ils escomptent.

Résultat, à la fin de l’année, ils avaient oh surprise, moins investi que prévu et comme par hasard, ils ont enregistré plus de revenus nets, plus de profits, plus de rendement et tout cela au vu et au su de la régie de l’énergie.

Ce n’est pas de la fiction financière, c’est comme ça que ça s’est passé.

Et la régie qui devait protéger les consommateurs ne voulait rien voir jusqu'à ce qu’un journaliste, en mai 2013, soulève la question.

Et ce scénario devant les régisseurs de la Régie, devant les commissaires, Hydro-Québec sous la direction de Thierry Vandal (Le grand commis de l’état qui a quitté HQ avec une pension équivalente à son salaire) l’a répété année après année.

Des trop-perçus à répétition.

Les trop-perçus dont je vous parle représentaient 71M$ la première année en 2008.
En 2009 tout s’est passé, comme si on s’était dit, on les a eus une première fois, on pourrait les avoir, une 2ième fois.

C'est-à-dire qu’on va encore surestimer les investissements et sous-estimer les revenus.
193m$ millions la 2ième année au lieu de 71m$ comme la première année!  

Pour Alain Dubuc et les professeurs d’université qui n’ont jamais rien vu; 193M$ c’est l’équivalent d’une hausse de 2% de vos tarifs d’électricité.

Viens la 3ième année. Devant l’aveuglement des commissaires, Hydro-Québec surestime encore plus ses investissements et sous-estime encore plus ses revenus.

Résultat c’est plus 71M$ la première année, c’est plus 193M$ la deuxième année, c’est 257M$ la troisième année.

Ils ont fait ça pendant 7 ans, engranger plus de revenus, plus de rendement, que ceux autorisés « officiellement » par la Régie de l’énergie du Québec. 

La Régie se rend à l’évidence.

Les commissaires vont finalement découvrir qu’ils se sont fait rouler dans la farine, on va finalement convoquer des audiences, pour faire ce que partout en Amérique du nord on fait depuis des décennies; c'est-à-dire partager, sous forme de rabais de tarifs, les trop-perçus qui résultent des erreurs de prévisions du monopole.

Le petit jeu a quand même duré jusqu’en 2014.

Pendant 7 ans, Hydro-Québec qui devait réaliser des rendements de 6 À 8%, va  5 années sur 7 réaliser avec la bénédiction de la Régie de l’énergie et des commissaires nommés par le gouvernement, des rendements de plus 10% et même de 13%.

De quoi faire rougir les entreprises inscrites à la bourse de New York ou de Nasdaq.

Records de débranchements

Et tout ça va se produire, au moment où l’on assiste au Québec à des records de débranchements des abonnés qui ne peuvent plus payer leur facture.

Et a des records d’ententes de paiement, 300,000, avec les gens n’arrivent plus a joindre les deux bouts plus avec ces augmentations à répétition, et des logements, comme c’est le cas ici comme c’est le cas ici dans ce quartier, ou bon nombre de logements sont mal isolés.

300,000 familles au Québec qui n’arrivent plus à payer leur électricité ce n’est pas rien. Avec 2,2 personnes par famille en moyenne c’est l’équivalent de la région de Québec qui a de la misère à payer ses comptes d’électricité.

Et au même moment Hydro-Québec surnage dans les profits et les trop-perçus, avec des taux de rendement supérieurs à ceux de la Caisse de dépôt. 

En guerre contre les journalistes.

Hydro-Québec va publier des communiqués incendiaires pour me dénoncer, et sans doute intimider les autres journalistes. Ils sont d’ailleurs, encore sur le site d’Hydro-Québec.

Alors voici ce qu’HQ écrivait sous la plume de son porte-parole Patrice Lavoie en 2015.

« Hydro-Québec réagit a un reportage de tva : les écarts de rendement de l’entreprise bénéficient aux Québécois ».

Et leurs communiqués  pouvait être repris par les journaux et par les postes de radio à travers tout le Québec.

« Hydro-Québec se voit une fois de plus dans l’obligation de rectifier des informations véhiculées par un reportage de Michel Morin, diffusé hier au réseau tva et faisant l’objet d’un article dans le journal de Montréal. »

Ça faisait trois ans que j’étais le seul au Québec à leur taper dessus.

Mais vous voyez le ton et l’agressivité du monopole d’état.

« Comme Hydro-Québec l’a répété à maintes reprises à ce journaliste au cours des dernières années, les écarts de rendement constatés par Hydro-Québec à la fin d’une année ne découlent pas d’erreurs de prévision ce ne sont pas des trop-perçus. Au contraire les écarts de rendement sont principalement attribuables à l’excellente performance d’Hydro-Québec. »

Et c’est la Régie après moi, qui malgré tout va constater sur le tard qu’il s’agit bel et bien « d’erreurs de prévisions ».

Et quelles erreurs, et pendant une aussi longue période!!!

Avec un peu de recul on voit maintenant à quelle manœuvre d’enfumage s’est livré le monopole d’état pendant toutes ses années.

Remarquez que ce n’est pas différent actuellement, avec la caisse de dépôt et son train électrique ou les usagers des transports en commun vont payer très cher pour le train électrique, mais ça sera pour une autre fois!

Donc finalement à force de revenir sur le sujet la régie va mettre en place un mécanisme de partage.

Mais ça ne fait pas l’affaire du gouvernement Couillard qui a besoin d’argent, qui a besoin des trop perçus. Hydro-Québec est devenu une antenne du ministère du revenu.

Le gouvernement va donc passer une loi, le projet de loi 28, pour faire main basse sur  des trop–perçus de 160M$ de 2014

Vous voyez comment vous êtes bien protégés par la Régie de l’énergie et par le gouvernement du Québec, contre les abus et les taux de rendements excessifs.

Donc en conclusion.

Dernier point.

Enfin une situation comme ça, où l’on a surfacturé les clients, au-dessus des augmentations de tarifs autorisées pour obtenir plus de rendement, jamais ça n’aurait pu se produire ailleurs en Amérique du nord.

Tout simplement parce qu’ailleurs en Amérique du nord, lorsqu’il existe des trop perçus, lorsque les entreprises d’électricité ou de gaz, se trompent en leur faveur et finissent l’année avec des trop-perçus, ils sont redistribués aux consommateurs sous forme de baisses de tarifs aux abonnés aux cours des années subséquentes.

C’est pour ça qu’on a créé des régies de l’énergie, pour éviter les abus. C’est donc une véritable honte et un cas unique ce qui s’est passé au Québec avec Hydro-Québec. 

Voici ce qu’a écrit M. Pierre Théroux l’ancien avocat en chef de la Régie de l’énergie, en réponse à l’article complice d’HQ d’Alain Dubuc, chroniqueur à la presse :

Ce qu’a fait Hydro-Québec écrit-il : «… constitue une confiscation fiscale déguisée, éhontée, irrégulière et simplement malhonnête, contraire aux règles des contrats civils et commerciaux et par surcroît, des dispositions du régime réglementaire. »

Et même au Québec avec Gaz métro et la Gazière dans l’Outaouais, lorsqu’ils se trompent en leur faveur comme l’a fait Hydro-Québec pendant sept ans, eh bien ils ne peuvent pas toucher des rendements supérieurs parce qu’ils se sont trompés. À quoi servirait la Régie de l’énergie si on pouvait tromper tout le monde en générant des bénéfices supplémentaires?

Je n’irai pas dans les détails, mais même après le plan de partage mis sur pied par la Régie de l’énergie, Hydro-Québec pourra encore en garder une partie!

Pour conclure je dirais que je suis très heureux que la nouvelle ait refait surface il y a deux semaines et qu’elle ait fait cette fois boule de neige.

À Montréal on paie déjà plus cher qu’ailleurs pour chauffer.

Enfin a Montréal les Québécois paient plus cher pour chauffer leurs appartements et leurs maisons que dans toutes les grandes villes en Amérique du nord.

C’est qu’il en coute plus cher pour se chauffer à l’électricité à Montréal qu’avec le gaz,  même si à Montréal le gaz est deux fois plus cher au m3 qu’à Toronto ou Ottawa par exemple.

Hydro-Québec a des bas tarifs, mais en Amérique du nord on se chauffe au gaz et le gaz c’est plus avantageux que l’électricité pour se chauffer. Personne ailleurs en Amérique du nord, dans les grandes villes, n’est assez fou pour se chauffer à l’électricité; c’est trop cher.

L’électricité d’Hydro-Québec sur les marchés d’exportation, c’est pour les ordinateurs et les ampoules électriques, pas pour le chauffage.

Des trop-perçus qui s’ajoutent à une facture salée de chauffage.

Environ 70% de votre facture d’électricité c’est du chauffage, qu’Hydro-Québec ait profité de la situation pour générer des trop-perçus, sur un chauffage qui est un bien essentiel, et qui nous coute déjà plus cher qu’ailleurs, démontre simplement qu’Hydro-Québec est devenu une antenne du Ministère du revenu mais a failli à sa mission première, qui est celle de nous fournir de l’électricité au meilleur coût.
 
Jamais pour Adélard Godbout lors de la première nationalisation de l’électricité dans les années quarante, jamais pour René Lévesque lors de la 2ième nationalisation de l’électricité dans les années soixante, il n’avait été question de faire d’Hydro-Québec, une succursale du Ministère du revenu du Québec.

Les trop-percus ne sont que l’illustration de l’état prédateur que rien ne fait reculer, même les trop perçus surfacturés aux quatre millions d’abonnés d’Hydro-Québec.


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